Posted on 5th Aug, 2025 in Géologie
Mérifons (Hérault) août 2025
Faut-il être géologue pour porter un regard sur la dalle de La Lieude ?
On pourrait, déjà, se contenter de profiter de la beauté sauvage du lieu, avec ce sol rouge , mis à nu par l’érosion que l’on découvre tout autour du lac du Salagou,de ses canioles ravinées, couronnées par les coulées volcaniques. « La nature seule est artiste » proclamait Goethe !
Un paysage étrange, où se dresse au-dessus de vous, comme un gardien du lieu, les ruines d’un château sur son piton de basalte: vous êtes au pays des « ruffes » !
Une terre insolite et dénudée, de couleur rouge brique qui rappelle les sols d’ Afrique. Effacez du paysage les ruines et les quelques parcelles de vignes qui entoure le site et laissez vous transporter 270 millions d’années en arrière.
On vous dira que ses terres appartiennent au Permien, cette période géologique où la Terre a vécu sa traversée du désert, passant d’un climat chaud et humide à un climat tropical, où l’épaisse forêt carbonifère a laissé sa place à des déserts arides. C’est la fin d’une ère sur ce continent unique qu’est la Pangée : la Terre vit une catastrophe sans précédent, où 90 % de toutes les espèces vivantes , dans les mers comme sur la terre vont disparaître, une période cruciale pour l’histoire de l’humanité où plantes et animaux rescapés doivent reconquérir le monde.
Il est donc important de s’attarder sur cette dalle de La Lieude qui va vous révéler ses richesses paléontologiques.
On vous dira que cette dalle fossilifère a été découverte par des moutons qui ont brouté son couvert végétal et mis à nu des centaines d’empreintes, aujourd’hui clôturées et protégées sous le toit d’un hangar.
Imaginez, une plaine d’inondation, dite « playa », peu profonde, à peine quelques mètres, où pendant plus de 20 millions d’années (260-283 millions d’années) plus de 2000m de sédiments finement lités et stratifiés , nés de l’altération et de l’érosion des reliefs avoisinants, transportés par des rivières se sont déposés ici par des chenaux divagants, dans des lacs et marécages où les cours d’eau venaient mourir. Ce n’étaient pas des dépôts continus puisque dans ce sol fossile s’observe des craquelures de dessication , lorsque l’argile séchait au soleil et des petites marques circulaires, laissées par l’ impact des gouttes de pluie, témoins de périodes d’immersion et de sécheresse de ce climat tropical où alternent saisons sèches et humides. Les plantes sont aussi de beaux marqueurs de cette alternance climatique : fossiles de tiges de prêle, et frondes de fougères se retrouvent dans les épisodes humides laissant la place à des empreintes de cônes de pins durant les périodes sèches.
Approchez vous de la dalle. Dans ce monde hostile du Permien , sont conservées depuis environ 265 millions d’années des traces du vivant : des empreintes étranges , des traces de passage d’animaux, une multitude de pas figés dans la boue, certaines ressemblent à des mains humaines avec cinq doigts bien dessinés.
Les paléontologues me diront que ces empreintes appartiennent à un reptile « mammalien » . Il n’y a qu’un pas pour imaginer que ce groupe va nous mener à l’espèce humaine, mais le chemin est encore long !
La plupart des empreintes de La Lieude, appartiennent à ces reptiles mammaliens appelés aussi thérapsidès.
Imaginez la rencontre au bord de ces mares de La Lieude, d’un lourd reptile herbivore, ayant bu à satiété rencontrant un petit mammalien qui trottait le long du rivage ! Il ressemblait à un chien, principalement à cause de la position des pattes. La disposition des dents le distinguait également des reptiles ordinaires. L’avant de la mâchoire portait de longues dents faites pour tuer, et l’arrière des dents pour déchiqueter. Ce groupe comprenait de nombreuses espèces dont certaines ne mesuraient que quelques centimètre et d’autres atteignaient la taille d’une vache. Les plus gros étaient généralement herbivores et les plus petits de redoutables chasseurs. Les reptiles mammaliens les plus évolués étaient couverts de poils.
Il faut donc imaginer à cette époque permienne un étrange bestiaire ! Mais , pourquoi classe-t-on ces animaux parmi les reptiles ? La réponse réside dans l’articulation de la mâchoire qui reste très primitive. Ces reptiles évolués continuaient sans doute à pondre des œufs , mais rien n’est sûr.
A ce stade de l’évolution, il ne restait à franchir qu’un très petit pas vers les vrais mammifères, un palier qui sera franchi à la période suivante : le Trias
La Terre ne verra plus jamais de reptiles mammaliens. Contentons -nous d’observer ces traces et surtout de les protéger.
«Un poète doit laisser des traces de son passage. Seule des traces font rêver » écrivait René Char, alors rêvons !
Alors voilà, La dalle de la Lieude est une belle histoire ! Nous avons sous les yeux, ce monde au sol rouge dénudé où marchait il y a 270 millions d'années ces étranges animaux , les reptiles mammaliens et qui y ont laissé leurs pas. Ces traces sont venus jusqu'à nous. Aujourd'hui , ce monde n' est pas uniquement le nôtre, mais nous en sommes responsables. Il est notre héritage, préservons le. Nous sommes capables de comprendre le passé et d'imaginer l'avenir. La suite de cette belle histoire ne dépend que de nous.
Découverte il y a plus de 60 ans, la dalle de la Lieude, rachetée à une association en 2023 par le département, revient au cœur du projet du Géoparc Terres d'Hérault. Après s'être trouvée pratiquement à l'abandon, elle est aujourd'hui enfin, en voie de restauration, nettoyée, durablement préservée elle sera sans nul doute un site majeur du Géoparc
LE MUSEE DE LODEVE
Pour avoir une vision complète de la géologie de l'Hérault, rendez-vous au musée de Lodève , tout un étage est réservée à la géologie
<< Le Musée de Lodève est l’un des très rares musées en France à couvrir 540 millions d’années de l’histoire de la Terre Chaque salle vous plonge dans une période géologique – Carbonifère, Permien, Trias, Jurassique, Miocène… – avec ses paysages, ses animaux et ses plantes. Des multimédias permettent de comprendre la formation des continents, l’évolution des espèces ou encore le travail des chercheurs.>>
La visite de la salle du Permien , vous permettra de mieux comprendre et de synthétiser ce que vous avez vu à La Lieude et d'observer tous les fossiles récoltés sur place
Quelques secondes, il y a des millions d'années. Des impacts de gouttes de pluie de 290 millions d'années ont été retrouvés. Les roches sont datéesen millions d'années, pour un évènementqui n'a duré qu'un instant et dont la trace a été retrouvée des millions et des millions d'années plus tard.
Que dire lorsqu'on découvre l'empreinte d'une aile de libellule ou les empreintes de pas d'animaux disparus? Combien de temps a vécu la libellule? A-t-elle vue l'animal qui a laissé ses empreintes le temps d'une marche?
Cupules de dessication. Boue dessèchée lors d'une forte évaporation , puis fossilisée
Quand un animal marche sur un sol humide, l'empreinte de ses pas est enregistrée. Avec la chaleur, l'eau s' évapore et le sol se durcit. Une averse amène une eau boueuse, de grandes flaques recouvrent les empreintes durcies. La boue se dépose et recouvre les empreintes. L'eau s'évapore à nouveau. Cette nouvelle couche forme un moulage d'empreinte. Le phénomène se reproduit, les couches s'accumulent et protègent les empreintes et leur moulage. Avec le temps, les couches sédimentaires deviennent des roches. Les traces de pas se sont fossilisées.
Empreintes de Thérapsidés
Lalieuorhynchus gandi (Herbivore de 3OOkg pour 4,5m de long, vivant il y a 270000000 d'années
Lors des fouilles , les paléontologues ont découvert une cinquantaine d'os dont les formes ont permis d'identifier un squelette partiel de caséidé. Son nom fait référence aux centaines d'empreintes de pas retrouvées sur le site de La (Hérault) ainsi qu'au paléontologue Georges Gand.
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